In & Out 2024
Une liste de prédictions outrageusement subjective, comment tenir ses bonnes résolutions et ce qu'il faut avoir lu pour briller dans les dîners en ville.
Bonne année ! Voici une liste personnelle et non exhaustive des phénomènes de l’an passé sur lesquels j’aimerais faire un « Annule et remplace » aussi facilement que si j’avais envoyé un mail professionnel se terminant malencontreusement par : « À très bite ! ».
Out : La cuisine levantine. Si je reçois encore un dossier de presse avec un houmous à la betterave, je hurle.
In : La cuisine sichuanaise qui anesthésie les papilles et soigne de tout (rhume, gueule de bois, dépression).
Out : S’y connaître en astrologie.
In : S’y connaître en astronomie.
Out : L’huile d’olive dans la mousse au chocolat, dans la glace au chocolat, dans le gâteau au chocolat.
In : Les cannelés !!! Je ne sais pas où en manger de très bons à Paris, je suis preneuse de toutes vos adresses.
Out : Les concours de cuisine télévisés.
In : L’Île de la Tentation.
Out : Airbnb.
In : Le camping.
Out : Les grandes tablées avec des nœuds et des rubans partout, des pièces montées en asperges façon Laila Gohar et des décorations en gelée même pas comestibles.
In : L’art de la table en inox, les nappes en papier, le sel sur les tables des restaurants.
Out : Sally Rooney et Glennon Doyle.
In : Lire un livre sans le poster sur Instagram.
Out : Faire la queue chez Cédric Grolet.
In : Pleurer en public.
Out : Les noix de cajou.
In : Les pistaches.
Out : Collectionner des Miles.
In : Le train-couchette.
Out : Les légendes Instagram de plus de 500 caractères.
In : Les blogs (selon mon amie Sandie qui prédit aussi le retour de Justice et Miss Kittin 🔮)
Peut-on tenir ses résolutions (et comment) ?
Êtes-vous du genre « New year, new me » ou plutôt du côté « Moi-ma-résolution-c’est-de-ne-prendre-aucune-résolution » de la force ? Les rares études sur le sujet (ici et là) établissent qu’on est statistiquement moins susceptible de tenir une résolution quand elle est restrictive (« j’arrête les beignets au Nutella de chez Mamiche ») ou trop ambitieuse (« je veux remporter le concours du plus gros mangeur de cancoillotte du monde et être invitée sur le canapé de Michel Drucker pour en parler »). Parce que la science l’exige, j’ai donc traduit mes propres ambitions démesurées en 5 nouveaux principes de vie à la portée de tous :
Couper 50% de tout ce que j’écris. La légendaire critique de mode Cathy Horyn raconte que c’est le meilleur conseil journalistique qu’on lui ait jamais donné et c’est je crois le moyen le plus efficace d’apprendre à mieux écrire. Je crois aussi que c’est indispensable dans une société où la presse écrite doit reconquérir une attention des lecteurs qui s’est déplacée sur TikTok. Au New York Times, la rédactrice en chef Carolyn Bury est ainsi réputée pour rendre « 30% plus courts et 50% meilleurs » tous les papiers qu’elle reçoit.
M’accorder 20 secondes de contemplation avant d’attaquer un plat au restaurant. Pour le détailler, le sentir, le comprendre, apprécier le cadeau que je me fais et m’en souvenir.
Retrouver le chemin des dépôts-ventes physiques car les transactions sur Vestiaire Collective et autres Vinted sont de plus en plus chaotiques. Et que, dans la rue, un dépôt-vente c’est plus joli à regarder qu’un magasin de vape qui fait Point Relais.
Désactiver l’Apple Pay sur mon téléphone. Dans mon cerveau malade, cela devrait provoquer des conséquences monumentales comme me donner les moyens d’acheter un appartement intra-muros et provoquer la faillite de Kaviari.
Adopter la devise tellement classe du Harry’s Bar de Venise : « Treat people like kings, and kings like people ».
J’approuve ce message :
Des lectures plus longues
Si vous trouvez vous aussi que le débat Gérard Depardieu s’éternise un peu, pourquoi ne pas pirater les conversations avec des sujets tout aussi contemporains et concernants mais, disons, un peu plus premium du point de vue des idées ? Voici 4 essais que j’ai récemment lus ou que je suis encore en train de lire, qui me passionnent et que je me surprends à citer à la moindre occasion :
The Ugly History of Beautiful Things de Katy Kelleher : Pierres précieuses, perles, maquillage, soie… Cette journaliste de la Paris Review décrypte notre fascination ancestrale pour ces objets de désir et révèle la sombre réalité sociale, environnementale ou géopolitique de nos vanités (vous saviez que la passion des Français pour les miroirs vénitiens avait déclenché une guerre ?).
Extremely Online de Taylor Lorenz : Si cette journaliste du Washington Post est la plus experte qui soit en culture Internet (de 4chan à TikTok en passant par les blogging moms), c’est parce qu’elle est la seule à n’avoir jamais considéré comme un stupide effet de mode « ce qui est en réalité la révolution la plus grande et disruptive du capitalisme moderne ». Ce livre est une histoire vertigineuse et magnifiquement contextualisée des réseaux sociaux, des influenceurs et de ceux qui ont fait de la création de contenu une industrie qui génère 250 milliards de dollars (et devrait en générer le double d’ici 2027, selon Goldman Sachs).
Uniques au monde, de l’invention de soi à la fin de l’autre de Vincent Cocquebert : Il a jeté regard incisif sur le mythe des générations (Millennial burn-out, 2019), voulu en finir avec la tentation du repli sur soi (La Civilisation du cocon, 2021), et c’est un ami qui a aiguisé mon esprit critique comme personne d’autre ces dix dernières années. Dans Uniques au monde, de l’invention de soi à la disparition de l’autre, Vincent raconte comment la société de l’individu et le capitalisme de l’ego ont produit le fantasme d’une existence sur mesure, « bercée par l’illusion que le monde peut et doit se conformer à ses désirs, et non l’inverse. » Cet essai a fait l’objet d’un épisode de Grand bien vous fasse absolument jouissif sur France Inter que vous pouvez réécouter ici.
The Sum of Small Things de Elizabeth Currid-Halkett : Si vous avez aimé la Carte Blanche que j’avais consacrée à Pierre Bourdieu et aux symboles de statut social, alors vous devriez adorer l’essai de cette sociologue consacré aux styles de vie. Elle y révèle pourquoi les classes dominantes n’affichent plus leur supériorité par une consommation ostentatoire, mais cherchent au contraire à se distinguer par des choix à première vue aussi insignifiants que la couleur d’un vernis à ongles.
Un message personnel
Je profite de cette nouvelle année pour vous remercier de lire cette newsletter. Vous êtes plus de 1600 abonnés, soit la capacité maximale du Cirque d’Hiver Bouglione (ayant consacré l’essentiel de mon existence à faire le clown, je considère que c’est un triomphe). J’ai créé cette newsletter pour me forcer à organiser et consigner quelque part les idées qui tournaient sans but dans ma tête. J’ai été si stupéfaite de voir des gens s’y inscrire que j’ai passé les premiers jours à googler le nom de chaque nouvel abonné. Si vous m’avez vu apparaître sur votre profil Linkedin, vous savez maintenant pourquoi. Et vous avez gagné le privilège de me faire vos feedbacks. Qu’aimeriez-vous voir plus ou moins dans cette newsletter ? Est-elle trop courte ? Ou trop longue ? Est-ce que la température vous convient ? Aimeriez-vous plus ou moins d’invités comme par exemple Larry David qui nous livre ici une leçon d’étiquette inestimable ?
À très bite !
Merci et bravo pour cette newsletter, rien à redire pour de potentielles évolutions. J’aime l’humour, la fraîcheur, les découvertes et mêmes les (rares) longueurs.
Surtout ne change rien! Tellement bien à chaque fois.