L'histoire de la balance connectée
Cette semaine, une légende urbaine de qualité, mon pumpkin-spice-latte-starter pack et une histoire de restaurant qui finit bien.
Je vous la raconte comme on me l’a dite : il y avait ce couple, les potes de potes d’une pote, qui vivait à New York. Jeunes, dynamiques, carrières internationales, une vraie pub Rimowa. Elle part quelques jours à Londres pour le boulot, et voilà qu’un matin, une notification fait vibrer son iPhone : « Félicitations, vous avez perdu 6 kilos ! » C’est son appli de santé, reliée à sa balance connectée. Descente d’organes direct. C’est le milieu de la nuit à New York : elle comprend que son petit ami est avec une autre. Que cette autre est allée à la salle de bain, qu’elle a vu sa balance, qu’elle a eu envie de se peser. Elle réalise que cette autre est plus mince qu’elle.
Évidemment qu’en entendant cette histoire, j’ai hurlé à la légende urbaine : elle est trop parfaite, sa source est trop vague et surtout, comme toute bonne légende urbaine, elle reflète les angoisses de l’époque. Ici : l’addiction aux écrans, la trajectoire incontrôlée de nos datas, la trahison amoureuse et surtout l’obsession du poids.
Si l’on a pu croire que garnir quelques défilés de mannequins “plus size” et remplacer les dossiers minceur des magazines féminins par des odes au body-positivism suffirait à renverser des décennies d’injonction à la minceur, le succès mondial de l’Ozempic fut un rappel brutal à la réalité. Ce médicament destiné aux diabétiques, qui lisse les pics de glycémie, réduit la faim et fait perdre du poids sans effort à ceux qui s’en injectent, a rendu la compagnie pharmaceutique danoise Novo Nordisk riche, très riche, genre riche au point de devenir la première valeur boursière d’Europe devant LVMH. Riche au point de faire vaciller le cours de la couronne danoise.
La minceur est une obsession qui traverse les frontières, les âges, les classes sociales. Quoi qu’on prétende, personne n’y échappe, pas même les milieux épicuriens comme celui dans lequel j’évolue. Car si les chefs sont majoritairement des hommes, les journalistes et communicantes, elles, sont souvent des femmes sur lesquelles on fait peser la double injonction d’être à la fois décomplexées dans leur rapport à la bouffe, gourmandes, au-dessus de ces considérations triviales, mais quand même archi-gaulées. C’est une aberration physiologique dangereuse et la porte ouverte à tous les troubles du comportement alimentaire possibles, que j’ai constaté chez pas mal de collègues mais aussi noté dans mon propre rapport à la nourriture. Et je suis stupéfaite de constater combien le sujet semble plus tabou* et honteux ici que dans d’autres sphères. Voilà pourquoi je suis surexcitée par la sortie le 6 octobre d’un essai de Lauren Malka qui s’appelle “Mangeuses : histoire de celles qui dévorent, savourent ou se privent à l’excès”. D’ici là, si le sujet résonne en vous, n’hésitez pas à me contacter ici ou via Instagram car j’adorerais l’explorer plus longuement.
*à des fins d’auto-correction grammaticale j’ai cherché “ça fait tabou” et Google m’a suggéré “ça fait grossir le taboulé” et vraiment ce moment de solitude résume tout.
Le prix des choses
Deux averses, quatre degrés de moins et voilà que j’ai basculé dans ma “pumpkin-spice-latte era” où je ne rêve que de regarder Gilmore Girls devant une soupe de butternut.
Encore trois jours de météo pourrie et je serai mûre pour attaquer les téléfilms de Noël mais enfin d’ici là, voici ce que j’ai acheté pour embrasser l’arrivée de l’automne.
Pour 9€ : un bouillon du Pays Basque très réconfortant
Je n’ai pas l’occasion de faire mijoter poules, os de bœuf et de porc élevés en plein air, légumes et aromates toutes les semaines mais Dohatsu, si. J’achète par litres entiers leur bouillon traditionnel d’hiver chez Zingam à Paris mais on peut le commander aussi sur Culinaries. Parfois j’y ajoute de la citronnelle, un peu de gingembre, du combava et j’ai l’impression d’être ce mec :
Pour 8€ : la chakchouka de ma mère
C’est moi ou il y a un gros retour de hype de la chakchouka ? Ce sommet de comfort-food juive méditerranéenne a fait l’objet d’un gigantesque drama dans la dernière saison des Real Housewives de New York, je la vois apparaître partout sur TikTok et Whoogy’s vient d’en claquer une recette qui a l’air diabolique. Anyway, ma recette préférée est évidemment celle de ma maman, je lui ai demandé de me l’envoyer et j’ai envie de vous dire… Voilà ma vie, débrouillez-vous avec ça :
Pour 110€ : une cape de pluie
Non contente de risquer chaque jour ma vie sur des pistes cyclables dont le tracé est tellement incompréhensible qu’il a l’air d’avoir été dessiné par David Lynch, je commence à me faire agresser par des rafales de pluie de type diluvienne. J’ai donc investi après moult hésitations chez RAINS dans une cape de pluie pas trop plouc. Elle est garantie deux ans, elle est assez grande pour protéger à la fois mon corps et le contenu de mon panier arrière, elle me donne un peu l’air d’un tueur à gage de film coréen, bref, c’est tout ce que j’aime.
Des trucs à lire :
Le New Yorker consacre un article sublime à la pizza slice de Scarr’s. Je m’en suis tapé une (enfin trois) au mois de mai et j’y pense au moins une fois par semaine depuis. Mais peut-on vraiment dire d’une pizza qu’elle est “la meilleure de New York” ? Ce raccourci un peu putassier selon moi n’épargne pas Paris où on a tous beaucoup trop d’opinions sur le meilleur burger (Dumbo), le meilleur pho (Ngoc Xuyen Saigon), le meilleur cordon bleu (Bistrot des Tournelles) et je trouve que ce sujet y répond très bien.
Dans Libé, le seul papier que j’ai lu au sujet de la visite officielle du roi Charles III à Paris. On y apprend tout du casse-tête diplomatique que constitue l’élaboration d’un dîner d’Etat et j’ai été étonnée de voir que les restrictions alimentaires consistaient essentiellement à ne pas froisser la sensibilité écolo du roi. Le Brexit a soulevé bien d’autres sujets de friction gastro-diplomatique, en tête desquels la renégociation des règles de pêche dans La Manche, qui s’est faite au détriment des pêcheurs français. C’est un sujet vaste et passionnant, c’est un exemple parfait de pourquoi la food c’est de la politique, et c’est une usine à gaz administrative que raconte avec beaucoup de passion et de pédagogie la pêcheuse de Granville Emmanuelle Marie sur Instagram. Je lui ai envoyé un message vendredi, elle était justement dans les eaux britanniques et en mer jusqu’à samedi soir, elle a quand même réussi à chopper assez de réseau pour me vulgariser la situation, j’adorerais vous en faire un plus grand sujet dans un prochain numéro.
Dans la longue liste des posts sponsorisés absurdes qui envahissent mon feed Instagram à longueur de journée, aucun ne m’intrigue autant que la campagne d’influence menée par Prenuvo, une société qui vend des IRM à 2500 dollars avec la promesse de détecter les premiers signes de cancers et d’anévrismes. J’ai vu y défiler des célébrités aussi diverses que l’acteur Kyle MacLachlan, la styliste Gabriella Karefa-Johnson et Kim Kardashian, c’est vraiment le Met Gala qu’on n’attendait pas.
Mais une fois passée l’hilarité, se pose la question plus ambivalente de savoir jusqu’où le marketing de la santé peut aller, et quoi penser du fait qu’un IRM soit devenu le nouveau signe extérieur de richesse ultime. C’est tout ce que j’aime dans cet article du New York Times, tout ça, et aussi d’apprendre que Prenuvo s’est attaché les services de Lucien Pagès pour capter l’attention d’influentes personnalités de la mode pendant la Fashion Week de New York.
En parlant de Fashion Week, j’ai lu cet été dans System la plus passionnante des interviews croisées entre les critiques de mode Tim Blanks et Cathy Horyn sur trente ans de fashion week parisienne. Ils posent un regard érudit, sans filtre et jamais vieux con sur une industrie métamorphosée par les géants du luxe français et c’est un plaisir à lire.
Il y a quelques mois j’avais écrit dans Elle un sujet sur le burn-out du fine dining, nouvel eldorado scénaristique qui nous a donné les films The Menu, The Chef et la série The Bear. L’idée que la grande cuisine ne peut naître que dans la sueur et les larmes, c’est séduisant pour Hollywood mais ce n’est pas forcément vrai.
À Paris, Le Servan raconte une toute autre histoire. Voilà bientôt dix ans que la cuisine de bistrot y est à la fois exigeante et accessible, que le service est sympa mais pas surjoué, que le staff a l’air heureux, bref, on a toujours envie d’y retourner. Je connais peu de restaurateurs qui font autant l’unanimité que les sœurs Katia et Tatiana Levha et je crois que cela a à voir avec l’intégrité qui semble guider toutes leurs décisions. Le Servan pour, moi, c’est l’anti-The Bear. J’ai interviewé Katia et Tatiana il y a quelques mois et j’ai dit un truc du genre « Le Servan c’est un rythme de croisière » et elle m’ont répondu que c’était pas du tout un rythme de croisière et la conversation qui a suivi a été tellement éclairante sur tout ce que l’on ne voit pas de la vraie vie d’un restaurant que j’ai trouvé important d’en publier ici les passages les plus inspirants.
Sur les premières années du Servan
Katia : On a eu certaines années difficiles. À commencer par le fait que pour faire le Servan comme on l’entendait, on n'avait pas de modèles à suivre. Mais on savait ce qu'on ne voulait pas. On sortait du monde du luxe et de la gastronomie qu'on aimait bien et qui sont de très belles écoles mais qui ne nous correspondaient pas.
Tatiana : Ce qu'on voulait, c'était un restaurant où les gens puissent revenir, notamment les gens qu'on connaît. Un restaurant accessible, à portée de main, où on n'a pas besoin de réserver trois mois à l'avance et où on trouve toujours de la place pour les copains. Quelque chose d'à la fois flexible et constant, et surtout de humble : on avait 26 et 29 ans, on était des femmes, on voulait quelque chose de facilement assumable à notre échelle.
Katia : J'étais à l'école hôtelière et j'avais l'impression qu'il était difficile d'être à la fois complètement intègre sur toutes ses valeurs au travail et de construire un modèle rentable et durable.
Tatiana : Et en même temps sans un modèle solide financièrement, il n'y a pas d'éthique possible. Faire les choses bien, ça coûte cher. C’est un investissement. Le nerf de la guerre au démarrage c’était faire un travail de qualité, avec un engagement sans concession possible vis-à-vis des producteurs et des vignerons, mais le focus c'était de monter quelque chose de pérenne. Ce n’était pas formulé comme ça entre nous au départ, mais c'était ça l'enjeu et c'est ce qui nous a permis de progresser.
Katia : On a essayé énormément de modèles différents, on a beaucoup lu et regardé partout, notamment en dehors de la restauration. On s'est beaucoup développées à un moment, pour après se recentrer. De l'extérieur, on donne peut-être l’impression d’un rythme de croisière mais pour nous il y a eu beaucoup de changements : on a commencé à sept, on est arrivées à un moment où on gérait 60 personnes et aujourd'hui on est 20 au Servan et 15 à Double Dragon.
Sur la quête du “bon” modèle
Katia : C’est dommage qu'historiquement il n'y ait que ce modèle de management à l’ancienne qui soit considéré comme valable. On a mis du temps à en sortir et trouver notre compte dans un modèle qui soit vertueux où les gens restent, s'entendent bien, ont une vie à côté. Pour instaurer la semaine de 4 jours, on a poussé les murs en interne et fait 250 montages financiers différents. C’était un vrai investissement et un grand changement car pour améliorer les conditions de travail, il faut ouvrir plus longtemps afin d'augmenter sa rentabilité. Personne n'est là tout le temps, ça impliquait aussi de tout réorganiser en interne. On a aussi augmenté les salaires, c'était inévitable après le Covid. Et on a une politique de toujours dire oui : si quelqu'un a besoin de prendre un jour, on considère que personne n'est irremplaçable. C'est très nouveau dans la restauration que les salariés puissent se dire qu'ils peuvent aller à l'anniversaire de leur copain ou à des concerts, à n'importe quoi qui est important pour eux et qui implique d'aller construire quelque chose ailleurs. C'est quelque chose qu'on n'a pas du tout connu, on se l'est construit pour nous. On ne pouvait pas assumer d'avoir ça comme objectif pour nous sans pouvoir le proposer au reste de l'équipe.
Tatiana : Nos choix managériaux ne sont pas faits par altruisme, c’est parce qu'on pense que c'est une bonne manière d'avancer et un bon investissement. C'était un gros risque parce que tout ce qu'on avait lu sur la semaine de 4 jours concernait des entreprises qui ne faisaient pas d'opérationnel, genre grosses boîtes de com où il n’y a pas quatre coups de feu par jour et des échéances ultra courtes. Mais l'impact se voit directement sur les performances des équipes, au passe, ils peuvent prendre beaucoup plus de commandes, beaucoup plus de clients et ça se voit sur le ticket moyen. Ils sont contents d’être là donc quand on a de grosses galères, il y a toujours des volontaires pour remplacer, changer les plannings, dépanner. C'est une flexibilité à l'amiable et pas une flexibilité qui se fait dans la douleur.
Sur la représentation médiatique de la restauration
Tatiana : C'est vraiment un sujet la starification des chefs. J'imagine que c'est plus simple vis à vis des lecteurs d'écrire qu'un restaurant, c'est un chef. Mais c'est faux. 90% du travail, c'est autre chose que faire une assiette et trouver des recettes : de la gestion humaine, gestion de crise, beaucoup d'administratif… C’est faux, c'est con et dire ça, c'est dommage pour tous le reste de l’équipe qui travaille. Le métier souffre beaucoup de ce raccourci car les gens n'aspirent plus qu'à ces postes-là. Nous, on cherche beaucoup de personnes pour faire différents métiers et pas uniquement une tête d'affiche.
Sur ce que le Covid a changé
Katia : On l'a constaté en première ligne : beaucoup de gens qui voulaient entreprendre dans la restauration ont été freinés par le Covid et ils se sont réinventés pour s'orienter vers l'événementiel, monter des agences, devenir traiteur… Je pense que tout le monde voulait travailler librement. Faire une résidence culinaire, c'est sans engagement, très court dans le temps, ça construit une visibilité.
Tatiana : L'avantage c'est que c'est un support de communication.
Katia : Aujourd’hui, on revoit ces mêmes personnes entreprendre à nouveau. On trouve cool que les gens aient à nouveau l'envie de s'installer et l'espoir que ça fonctionne.
Tania : C'est vrai qu'il n'y en a pas tant que ça des restaus qui durent, où tu peux retourner sur plusieurs années et trouver la même équipe. C'est devenu très rare la constance et la permanence.
Merci d’avoir lu jusqu’au bout (quel courage), à dans deux semaines !
A rajouter dans les délices qui consolent de la pluie : cette newsletter 💘
Peut-être aussi thérapeutique pour l’auteur que pour les lecteurs (je sais de quoi je parle, j’en ai une aussi 👋🏼)
C.
En lisant "L'histoire de la balance connectée", j'ai été impressionné par l'évolution des balances, d'outils basiques à des dispositifs connectés qui nous aident à suivre notre santé. L'article montre parfaitement comment ces innovations transforment notre quotidien.
Cela m'a aussi fait penser à https://www.citypulsebags.com/ qui propose des sacs modernes et pratiques pour les citadins actifs. Ces accessoires, tout comme les balances connectées, sont conçus pour s'adapter à notre vie de plus en plus connectée. Je recommande vivement cet article à tous ceux qui s'intéressent à la technologie et au bien-être !