Carte Blanche devient Carte d'Embarquement ✈️
Cette semaine, des trucs à lire à la faveur d'une escale interminable.
Un mélange de kérosène, de moquette humide et de cuisine au wok. Voilà ce qu’est pour moi le parfum du voyage, cette odeur inimitable qui plane dans les aéroports de tous les pays tropicaux du monde et qui m'enivre là tout de suite, alors que j’essaie désespérément d’écrire cette newsletter. Voilà bientôt une semaine que j’abreuve Instagram de photos de temples et de jolis hôtels, creusant un peu plus mon empreinte carbone (enfin, jamais autant qu’Yves Saint Laurent quand on lui laissait une bombe de laque Elnett entre les mains).
Mais la vérité, c’est que j’erre surtout d’un salon d’aéroport Vietnam Airlines à un autre en challengeant mes défenses immunitaires au contact d’un buffet où saucisses et plats de nouilles réchauffées marinent depuis Dieu sait quand. 9 jours de voyage au total, 3 pays, 7 avions, 31 heures de vol cumulées, un seul bagage cabine et environ 97 petites serviettes froides parfum citronnelle synthétique essuyées entre mes doigts. Terminal domestic flights, terminal international, check-in, tapis bagages, tapis roulants, Vietnam, Cambodge, Laos, la quête illusoire de ma Marguerite Duras era, des coups de clim qui succèdent à la moiteur irrespirable et toujours ces effluves de chaussettes sales partout parce que c’est la saison du durian. Des menus Burger King à 10 dollars alors que le salaire moyen local est de 70 dollars par mois. Des gens toujours mal dégourdis au passage de la sécurité, des visages aux traits tirés et au regard vide, comme lobotomisé par des marathons de films avec Dwayne Johnson.
Entre deux vols, deux comédies romantiques médiocres et deux plateaux-repas pires que médiocres, le lounge dans lequel je me trouve en ce moment a tout pour me plaire : un stand de phở cuisinés à la minute et ouvert dès l’aube, des Vaches qui rit dont je remplis mes poches, des cafés glacés au lait concentré capables de tuer un diabétique et un groupe de moines bouddhistes avec des valises Rimowa grand format à 2000 balles. Rien sur cette Terre n’est plus équivalent au purgatoire que les lounge de Business Class. Le temps et l’espace n’y existent pas. La honte non plus. Se servir une coupe de champagne à 8 heures du matin, se balader en pyjama ou étaler ses orteils à 50 centimètres du visage d’un inconnu, ici c’est ok. C’est une bulle, un temps mort, l’un des rares espaces qui ne soient pas soumis à l’optimisation de la moindre minute et à l’injonction de la performance. Ayant supprimé l’appli mail de mon téléphone, étant à jour des huit franchises des Real Housewives que je regarde en simultané, j’ai bouquiné tant et plus et vous trouverez à la suite de cet édito ce que j’aurais lu de plus intéressant au cours de ce voyage épique qui aura impliqué assez d’escales pour toute une vie.
(Re)lu, vu, entendu
A cook tour d’Anthony Bourdain dans lequel j’apprends qu’avant de virer communiste et d’humilier la plus grande puissance mondiale de l’époque, Ho Chi Minh était saucier de grand talent au Carlton de Londres, et disciple d’un certain Auguste Escoffier. Au Vietnam et plus généralement à l’Indochine coloniale, L’Obs a consacré un hors-série remarquable et vertigineux que j’ai emprunté à mon voisin de vol et dévoré d’un bout à l’autre. Fétichisation des femmes asiatiques, narcotrafic d’État, héritage durassien, tout y est raconté, documenté avec rigueur et sensibilité par des auteurs asiodescendants. J’aime passionnément les hors-séries de L’Obs, même si c’est le signe inéluctable de mon basculement dans une nouvelle tranche d’âge.
Je me moque souvent de l’obsession de mon copain pour certaines marques (Charvet, Hermès et Décathlon, pas forcément dans cet ordre-là) et les étiquettes, au point qu’il arrache celles de mes vêtements qui indiquent plus souvent COS que The Row. Mais j’admire son exigence non-négociable pour la qualité à une époque où celle-ci n’a jamais été aussi difficile à trouver. Aux États-Unis, des poêles à 145 dollars très clairement pensées pour être postées sur Instagram et jadis encensées par nombre d’influenceurs food sont en train d’inonder les sites de revente tellement leur qualité s’est avérée catastrophique, raconte le New York Times.
De son côté, une journaliste mode de The Cut s’est demandé pourquoi la moindre robe d’été coûtait désormais 400 dollars. Elle a fait comparer la qualité de six robes quasiment identiques achetées en ligne à des prix allant de 14$ à 754$ par une experte de la fabrication et l’article qu’elle en tire est un état des lieux sidérant sur les évolutions de la fast fashion et de nos comportements d’achat. Une info folle : comme plus personne n’a de notion de la valeur d’une robe ou d’une poêle, et parce que sur un iPhone, il n’existe plus aucune friction entre l’impulsion et l’acte d’achat, les marques de vêtements gonflent artificiellement les prix puis lancent toute l’année des opérations de soldes bidons. Une méthode longtemps réservée à… l’industrie du matelas.
Ça vous est déjà arrivé de faire vos courses sans liste pré-établie et une fois arrivé(e) au rayon des bocaux vous tressaillez : « Est-ce que j’ai encore des pois chiches à la maison ? Est-ce que j’en rachèterais pas un bocal JUSTE AU CAS OÙ ? » Ça s’appelle la chickpea anxiety et, apparement, c’est un sujet (j’ai la même avec la cancoillotte). Autre phénomène food repéré par le NYT, la shrinkflation des cocktails.
Ce vieil article est réapparu cette semaine sur Instagram et il m’intéresse pour une seule raison : le mystère stylistique le plus bizarre des années 90 impliquant l’éternelle icône mode John Kennedy Jr., sa mémoire défaillante et sa chaine de vélo.
Ce docu génial sur Anna Wintour qui raconte surtout le Vogue US des années 2000, nous rappelle l’existence de l’épatante Plum Sykes et implique non pas un mais DEUX hommes problématiques qui ont été cancelled.
Le prix des choses
Dans la vie, j’ai peu de sujets de grande fierté. Peut-être la fois où Giorgio Moroder m’a dit qu’il me trouvait « très intelligente ». Ou celle où, à 11 ans, j’ai remporté le concours du plus grand nombre de cordons bleus mangés à la cantine du collège face à un troisième qui était dans l’équipe de rugby. Mais mon aptitude à boucler de minuscules bagages pour de grands périples, ça, j’en fais l’objet d’un orgueil sans limite. Elle est le fruit d’un benchmark de plusieurs années qui m’a permis de réduire ma valise, hors culottes et maillots de bain, à une liste d’essentiels qui m’ont changé la vie et dont je ne me passe plus.
-Un câble d’iPhone ultra-long (2 mètres) parce qu’on ne sait jamais à quel point la prise va se trouver loin du lit (35€).
-Une liseuse premier prix, jugez-moi tant que vous voulez, j’ai multiplié mon rythme de lecture par dix (109€).
-Une carte sim locale, même pour un voyage de trois jours. Habituellement je l’achète dès l’aéroport d’arrivée après avoir repéré en avance quel était le meilleur service télécom local, et je me la fais installer (autour de 9€ les 10 jours suivant l’offre et le pays). Mais comme cette fois-ci j’enchaine trois pays j’ai dû céder à une esim Holafly, un service que je boycotte habituellement en raison de son marketing agressif et de ses prix prohibitifs (37€ la semaine).
-La SPF Hydratation Confort de Clarins qu’on ne sent pas et qui est pourtant la meilleure barrière à UV que j’ai utilisé de ma vie, toucher sec, résistante à l’eau, dispo dans tous les aéroports (27€). Et pour les retouches en journée, la brume invisible Anthelios de La Roche Posay qui fait l’objet d’un véritable culte parmi ses adeptes (13,99€).
-Une batterie externe MagSafe surtout si comme moi vous êtes du genre à prendre 48 photos d’une noix de coco pour au final n’en réussir aucune (45€).
-Les incassables flacons et piluliers de voyage Muji (3€).
-Une paire de tongs en raphia ultra-légères, j’ai volé celles-ci à l’hôtel Aman.
-Un appareil photo argentique car mes photos d’iPhone ne deviennent jamais de vrais souvenirs.
-Les filets Muji dans lesquels je trie mes vêtements non pas par type mais pas occasion (visite de temple, dîner mondain, plage, rando, strip-club…)
-Le stick anti-moustiques spécial tropiques Cinq sur Cinq, le seul qui vient à bout de tout et ne me dégueulasse pas les mains.
Je vous quitte avec les seules icônes voyage que j’envie :
Les corgis d’Élisabeth II.
Parfait comme d’habitude. Mon empreinte carbone grâce à vous est réduite à 0 . Voyage par procuration c’est bien aussi. Carte d’embarquement c’est la solution idéale pour moi 😊
J'ai une passion un peu niche pour les articles qui décrivent/donnent des conseils pour remplir une valise cabine. Touchée dans le mille avec ce post !